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N°1 - réédition

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SOMMAIRE

Adam Harper
« Yuppies versus Hipsters : l’underground d’hier et d’aujourd’hui »

Lelo Jimmy Batista
« Thrash-Metal, orgies pop et gesticulations outrées :
manifeste de l’immodéré et du déraisonnable »

Guillaume Heuguet
« Musique numérique : pour quoi faire ? »

Johan Palme
« La world n’est plus de ce monde »

Quentin Delannoi
« La "nébuleuse Drexciya" : une musique conceptuelle ? »

Agnès Gayraud
« Faustus et moi : L’inauthenticité de la pop

Tristan Garcia
« Les rouleaux de bois »
(nouvelle)

10€*

*Taxes included, shipping price excluded

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BUGNE-BUGNE NUMERO 0
SOMMAIREDavid Toop« Sauver l’ambient »Rob Rosenthal« Punk comme un porc »Rafael Lubner« Electronique sans mémoire »Fanny Taillandier« Rap franco-mondial »Wayne Marshall« Qui a inventé le reggaeton ? »Joshua Clover« Détruire la pop dans sa joie »David Toop"Sauver l’ambient"Simon Reynolds avait rendu hommage à la trajectoire de son confrère britannique David Toop dans notre numéro 6, et nous avions choisi de sous-titrer ce texte « l’utopie perdue ». Cette utopie, c’était notamment celle qui se déployait dans Ocean of sounds, une sorte de livre ambient sur l’ambient. Reynolds notait que Toop avait un temps pris ses distances avec la musique. Ce qu’il ne disait pas, néanmoins, c’est que la disparition de cette utopie n’était pas seulement liée à ses contradictions internes. Elle allait de pair avec la reconfiguration de l’univers musical qui l’avait nourrie : ce monde de l’ambient dont Toop avait participé, avec et après Brian Eno, à tracer les non-contours, en l’imaginant comme l’envers d’une société de contrôle. Ce texte tout récent nous offre le point de vue de Toop lui-même sur le destin de l’ambient, et la nature de l’écart avec l’idée qu’il s’en faisait : moins un genre musical, qu’une manière de négocier les limites de l’intimité.Rob Rosenthal"Punk comme un porc"Membre fondateur des Freeze, groupe de punk du Cap Cod né en 1978 et connu pour sa longévité, Robert Rosenthal a quitté le navire en 1982. Il enseigne aujourd’hui le journalisme radiophonique. Dans un épisode de Lost Notes, série de podcasts à l’initiative de Jessica Hopper pour KCRW, il revient sur son passé punk et confie le sentiment de honte qui le travaille au quotidien. C’est l’histoire d’une prise de conscience, celle du sexisme ordinaire que peuvent véhiculer les paroles d’une chanson comme « I Hate Tourists », premier single et premier succès du groupe. Prise de conscience qui n’est cependant pas partagée par les autres membres des Freeze que Rosenthal a retrouvés pour l’occasion. Ce récit se construit donc dans la confrontation des points de vue afin d’aborder des questions de responsabilité, de transmission et de rapport au passé. Rosenthal se devait d’aborder le sujet, avec sa propre fille comme avec cet ami d’enfance qui joue encore dans le groupe, Clif « Hanger » Croce, et qu’il n’avait pas revu depuis des années. Alors, que faire de « I Hate Tourists » ? Rosenthal ne se défile pas. La réponse qui se dessine à l’horizon de son récit apporte un éclairage essentiel dans les débats en cours sur la « cancel culture ». Le texte que nous vous proposons de lire est une adaptation française de ce podcast. Il prend, lui aussi, la forme d’une histoire plutôt que celle d’un article.Rafael Lubner"Electronique sans mémoire"Ces derniers mois, plusieurs voix se sont élevées pour faire apparaître le défaut de diversité des magazines et labels électroniques, et l’inconscient racial, voire le racisme tout court qui se déploie dans nos scènes – lisez notamment, si ce n'est déjà fait, la « Letter to Resident Advisor » signée du DJ et producteur techno R.O.S.H, remarquablement documentée quant à leurs discriminations dans la couverture des scènes club britanniques. Si nous publions un peu à contretemps ce texte de Rafael Lubner – étudiant en littérature anglaise à Londres et contributeur au webzine Tiny Mixtapes, qui a publié la VO de ce texte – c'est qu’il a l'intérêt de montrer que la décolonisation de la culture club ne concerne pas seulement une meilleure répartition des emplois ou une attention au langage que nous employons. Elle doit aussi passer une compréhension de fond des structures de domination, et de la façon dont certains journalistes et artistes y contribuent plus ou moins volontairement, mêmes quand il s’agit d'adopter une posture critique ou de formuler un point de vue minoritaire. Cette critique doit donc également passer par les scènes et les genres qui ont eu la prétention de dépasser les impasses du clubbing et de l'industrie du loisir (voir les articles d'Adam Harper et Victor Dermenghem sur la « musique Internet » ou « post-club » dans nos précédents numéros). Elle nous concerne tous-tes.Fanny Taillandier"Rap franco-mondial"On a découvert la romancière Fanny Taillandier par ses chroniques mensuelles dans le magazine Mouvement. Elle y re-monte et y commente la langue des médias avec des fragments de récits littéraires ou historiques. Petites phrases à la con et images choc y sont détournées de leurs flux et réinsérés dans les chaînes de déplacements, d’inversions ou d’oublis historiques qui les ont rendus possibles – et on respire mieux comme ça. Ici, elle écrit dans ce style pour nous parler de la langue française qui se (re)construit en ce moment à l’intersection du rap, du RnB et de la pop, et de la petite utopie cosmopolite que font surgir PNL, Soolking et Aya Nakamura en retournant tranquillement le stigmate minoritaire. Soyons clairs, on n'a pas tellement l’impression qu’il soit besoin de défendre ces musiques contre le mépris dont elles font parfois encore l’objet. Mais comme on a découvert récemment qu’il existait encore des personnes pour s’offusquer de telle ou telle trahison de la grammaire – chez Wejdene, bien sûr, mais aussi souvent ailleurs – on prend pas mal de plaisir à partager avec vous cette ode subjective à la musique d’une langue qui s’autorise d’elle-même. Wayne Marshall"Qui a inventé le reggaeton ?"Cet article en deux parties (la suite au prochain numéro !), issu d’un ouvrage collectif consacré au reggaeton (Reggaeton, paru chez Duke University Press en 2009), nous vient d’un des principaux théoriciens de la « bass culture » internationale, l’universitaire Wayne Marshall – un auteur qui n’a pas son pareil pour décrire et analyser les références de « Despacito » ou l’écoute de rap sur les fréquences aiguës de nos téléphones portable. C’est bien sûr dans le contexte d'un énième regain d’effervescence du côté de l’industrie musicale et de l’underground autour des musiques estampillées « latino » que nous choisissons de publier ce texte. Il pourrait s’appeler « D’où vient vraiment le reggaeton ? » – à condition de préciser immédiatement qu’il rend cette question plus compliquée, plutôt que de prétendre y répondre directement. C’est bien cette manière de montrer le caractère problématique des réinterprétations nationalistes et ethno-raciales du reggaeton qui constitue sa vertu. Si son érudition vous donne le vertige, ne vous inquiétez pas, à nous aussi – c’est une autre de ses principales qualités.Joshua Clover"Détruire la pop dans sa joie"Joshua Clover est poète et professeur de littérature à l’université de Californie. Il a sorti un livre dont on parle beaucoup, au titre éloquent, L’émeute prime, qui s’intéresse aux interactions entre grève et émeutes dans l’histoire et à leur potentiel respectif pour la période actuelle. Mais avant ça, il était très actif dans le fanzinat musical sous le pseudo Jane Dark. Il a même publié un livre qui tentait d’articuler les esthétiques et les politiques du rap, du grunge et de la rave à partir du tournant symbolique que représente selon lui l’année 1989 (1989, Bob Dylan Didn’t Have This to Sing About). Ce petit texte, initialement paru dans le journal de poétique Tripwire, se préoccupe d’une question simple : qu’est-ce qu’est venu faire un tube de Rihanna comme bande-son d’un début d’insurrection étudiante ? Peut-on avoir été galvanisé par un moment de lutte en sa compagnie et en même temps espérer transformer radicalement la société actuelle, donc aussi se débarrasser de cette musique conçue pour elle ? On a aimé sa manière de poser la question de l’underground et du mainstream, et de dire comment la pop peut à la fois accompagner nos luttes et limiter notre imagination.
Vintage book (1981) good condition but has been used a bit
Riddim d’amourLuc SantéDes riddims au bleepMatt AnnissTechno - Autonomie !Jean-Hugues Kabuiku« Pionnières de la musique électronique »Frances MorganQui a changé le reggaeton ?Wayne MarshallLes blueswomen contre le patriarcatAngela DavisRiddim d’amourLuc SantéÉmigré belge arrivé à New York au milieu des années 1950, Luc Sante a fait divers petits boulots avant de travailler au service du courrier de la New York Review of Books, dont il n’aura cessé de « détourner » des ouvrages pour son propre intérêt. De fil en aiguille, il devient chroniqueur culturel, conteur de la vie quotidienne du New York prolétaire, critique photo, éditeur pour la Library of Larceny – une collection consacrée aux vies de délinquants et d’escrocs – pour finir observateur désabusé de la gentifrication de sa ville d’élection, et professeur à quelques centaines de kilomètres au nord de celle-ci, où il a fini par déménager. Le texte que vous allez lire est extrait d’une histoire qu’il a construite en sept parties, « E.S.P. », publiée en 2020 dans son livre Maybe The People Would Be The Times chez Verse Chorus Press. En très peu de temps, Sante fait résonner ensemble la musique de General Echo, l’ambiance sociale d’un club et l’effet d’une danse. De manière fulgurante et fugace, il fait passer la vie dans la musique, comme le son d’une respiration disparue dans la nuit.Des riddims au bleepMatt AnnissJoin the Future de Matt Anniss est sorti chez Velocity Press en 2019 : ce livre raconte la naissance d’une certaine techno anglaise, à travers les villes de Sheffield, Leeds, Bradford et, dans une moindre mesure, Manchester. Son récit n’est pas une simple suite parfaitement construite de faits marquants racontés avec moult détails qui mettent en pâmoison les dance nerds dont nous sommes : il est surtout une proposition plus que convaincante d’histoire alternative de la house et de la techno britanniques. Aux côtés d’autres contributions récentes – comme l’histoire orale Bass, Mids, Tops de Joe Muggs – Anniss redonne toute leur importance à la diaspora caribéenne, à la culture soundsystem et à la basse, qui se localisent notamment dans les fêtes blues du Nord de l’Angleterre, avec leurs rencontres interculturelles et leurs clashs esthétiques. Les tubes « bleep » du Nord-Est de l’Angleterre, en parallèle des innovations ragga techno et breakbeat house à Londres, représentaient « la première fois que le Royaume-Uni [arrivait] avec sa propre version mutante et unique de la house et de la techno (ironiquement en y ajoutant des éléments dub reggae, dancehall, et hip-hop qui n’étaient pas d’origine britannique, mais qui ne seraient jamais passés dans le mix à Chicago et à Detroit) ». Dans cette région, les soundsystems de la diaspora caribéenne comme Ital Rockers faisaient résonner ensemble les effets psychédéliques du dub jamaïcain et les percussions alien de la house chicagoane. Dans le creuset d’un rapport intime aux diverses dance music permis par les blues, les quatre DJ-producteurs de Unique 3 allaient s’allier pour donner naissance à un style à la fois minimal et d’une puissance sonore scandaleuse, cette fameuse bleep techno qui ferait la légende du label Warp.Techno - Autonomie !Jean-Hugues KabuikuCet article reprend et prolonge une publication en anglais au sein du média américain Dweller, qui met en avant une perspective noire sur l’histoire de la techno et la club culture contemporaine. Le site aborde des conflits locaux, à Berlin, Amsterdam, New York, Le Cap, ou Johannesbourg, notamment la discrimination, l’exclusion ou l’exploitation des Noirs et des queers dans les clubs, qu’ils soient artistes, publics ou travailleurs, ainsi que des questions plus générales comme le blanchiment de la techno et l’appropriation culturelle, le rapport entre identification noire et diaspora musicale, ou les effets du capitalisme urbain. Le texte que vous allez lire reprend et étend une réflexion qui se concentrait sur la politique culturelle pendant la crise du Covid-19 aux États-Unis et en Allemagne, afin d’entamer un dialogue international entre les scènes américaine et européenne et d’échanger des pratiques. Son auteur, le DJ, musicien et auteur Jean-Hugues Kabuiku, s’y montre passablement remonté par ce qui s’est produit ces derniers mois. Pour lui, la parenthèse vécue par le « monde de la nuit » doit permettre d’en repenser la culture et les objectifs politiques. En s’inspirant de l’histoire des luttes autonomes, et en particulier de l’opéraïsme italien, il estime qu’il est possible d’ouvrir des possibilités stratégiques plus radicales que ce que proposent actuellement les organisateurs·trices de soirées et les lobbys animés par des promoteurs. Cet article polémique, qui constitue pour nous une rare incursion dans les débats d’actualité, est loin de proposer des solutions « clés en main » par rapport aux initiatives en cours, mais il représente une position radicale d’autant plus intéressante qu’elle fait aussi écho à certains aspects de luttes récentes, comme Art en grève, ainsi qu’à la réapparition, dans l’intervalle entre l’édition de ce texte et sa parution, des actions de la Coordination des intermittents et précaires.« Pionnières de la musique électronique »Frances MorganJournaliste à Wire et Sight & Sound et chercheuse en arts (sa thèse concerne l’histoire du studio londonien EMS), Frances Morgan observe avec une précision incomparable la manière dont les médias – principalement anglais dans son cas – mettent en scène les musiciennes électroniques. Elle a déjà consacré un article brillant (« Delian Modes ») à la reconstruction de l’histoire de Delia Derbyshire et du BBC Radiophonic Workshop. Le présent texte est largement nourri par une série de travaux féministes auxquels elle en profite pour rendre hommage. Il s’attaque à la façon dont, sur le web principalement, les discours et représentations qui célèbrent rétrospectivement les « pionnières de la musique électronique » participent d’un féminisme tronqué, qui reproduit le système de domination qui avait écarté ces femmes au départ.Qui a changé le reggaeton ?Wayne MarshallDans la première partie de cette histoire du reggaeton, initialement parue en 2009 et que nous avions commencé à traduire dans notre précédent numéro, nous nous étions arrêtés sur une première tentative de crossover des musiques issues du reggae dancehall et des circulations de grooves entre Porto Rico, Panama et New York : le « meren-rap », une musique rap-reggae-merengue new-yorkaise marketée à destination des classes moyennes. Cette seconde partie en arrive maintenant au reggaeton tel qu’il a conquis les charts américains et européens, dans sa version électronique et hyper-sexualisée. Si on parle souvent d’appropriation culturelle ou de standardisation d’esthétiques locales au moment de leur popularisation, ces mouvements sont rarement décrits avec la précision qui se dessine ici, quand les collages à cent à l’heure de DJ Nelson laissent la place aux beats programmés sur FruityLoops par les Luny Tunes. Ce qu’il y a de plus précieux dans cet article est sans doute la façon dont Marshall profite de ses connaissances de musicologue, d’amateur et d’historien pour établir ce qu’il appelle une « politique culturelle » du reggaeton. Il est capable de nommer sa part de sexisme tout en parant au moralisme puritain, de dire ce qui s’est « perdu » dans ses dernières versions transnationales sans rejeter en bloc les nouvelles formes qui sont produites, de décrire la standardisation sans réinventer un passé purifié et sans en bouder les plaisirs.Les blueswomen contre le patriarcatAngela DavisAngela Davis, militante communiste africaine-américaine et membre du Black Panther Party, est aujourd’hui professeure de philosophie à l’université de Santa Cruz. Nous sommes reconnaissants aux éditions Libertalia et à son traducteur Julien Bordier de nous autoriser à publier un extrait de son livre majeur bientôt republié en poche, Blues et féminisme noir, paru pour la première fois en anglais en 1999. Ce livre est passionnant à plus d’un titre, notamment comme positionnement vis-à-vis de la manière dont les intellectuels interprètent le blues et les musiques qui en sont issues – en séparant souvent le sens des paroles du style de chant, ou en y lisant à tort le reflet direct, sans élaboration, de l’expérience noire. Mais ce qui nous a intéressés dans l’extrait de chapitre que nous reproduisons dans ce numéro, c’est la façon dont il reprend le fil d’une conversation qui court à travers nos précédentes publications d’articles de Mark Fisher et Ellen Willis, et dans une moindre mesure les allusions de Wayne Marshall, dans ce numéro, à la réception des références au sexe dans le reggaeton. L’enjeu de cette discussion, c’est de savoir comment les chansons indexent, à la fois explicitement et indirectement, ce qu’il advient des relations hommes-femmes, du sentiment amoureux et des institutions comme le mariage quand ils se construisent sous les conditions du capitalisme (à travers la dépendance directe ou indirecte au travail salarié), du patriarcat (notamment les différents types de violence faites aux femmes) et de l’héritage de l’esclavage (entendu comme une histoire d’exploitation, de coercition et de violence que l’abolition n’a pas annulée). Plus précisément, ce texte offre d’écouter autrement des chansons qui sont souvent perçues comme incarnant un discours de soumission ou (à l’inverse), comme obscènes. Cette histoire peut ainsi éclairer, à près d’un siècle d’écart, un morceau (et un clip) comme « WAP » de Cardi B & Megan Thee Stallion, ainsi que les multiples réactions qu’il a suscitées.
36 pagesprinted in Englandstaple bound14cm x 20cm